Lorsque deux personnes échangent en visio, leurs regards ne se croisent jamais… Outre le cadrage et la posture contrainte qui éliminent toute forme de communication non verbale, l’absence du regard vide la relation de sa dimension émotionnelle et de ses sensations. Lorsque 3, 4, 5… 10 personnes se réunissent en visio, le phénomène est accentué.
Une entreprise humaine (on verra peut-être un jour des entreprises virtualisées et robotisées) est constituée de trois dimensions qui interagissent en formant un système vivant : la dimension matérielle, la dimension rationnelle et la dimension émotionnelle. La combinaison de ces trois dimensions produit des processus, des valeurs et de l’énergie humaine. On voit ici qu’une généralisation totale du télétravail sur une longue durée, entraînerait, du fait de la disparition de rapports humains complets et, donc, de la perte de la dimension émotionnelle, un affaiblissement du système et, en particulier, des valeurs et de l’énergie.
Alors, comment gérer cette nécessité du recours au télétravail sans porter atteinte à l’intégrité de l’entreprise, à son identité, à sa stratégie ? Comment, au-delà de cette nécessité conjoncturelle, intégrer durablement cette nouvelle façon de travailler qui peut répondre positivement à certaines aspirations et besoins individuels et sociétaux ?
D’abord, en distinguant, dans le travail des individus et des équipes, ce qui relève d’une forte dynamique collective et ce qui, au contraire appelle à la concentration individuelle.
Deux critères simples peuvent être pris en compte :
nature du processus « technique » : le travail à accomplir suppose-t-il la mise en œuvre d’une forte intelligence collective, la combinaison, voire, la confrontation, de différentes compétences ou expériences portées par des individus différents ou peut-il être exécuté par les individus de façon indépendante sur la base d’échanges d’informations simples ?
nature du processus « humain » : le travail à accomplir est-il impliquant, personnellement, émotionnellement, humainement pour les personnes en charge ou est-il essentiellement technique sans gros enjeux psychologiques ?
Ensuite, cette cartographie étant faite, en organisant le travail, en gérant le temps collectif, pour permettre cette alternance et cette adaptation permanente au besoin effectif.
Enfin, en n’oubliant pas, qu’au-delà du seul travail, la dynamique d’une équipe et d’une entreprise, le sentiment d’appartenance, se construisent par de multiples interactions humaines et toutes sortes de rituels non « professionnels » qu’il est vital de maintenir, dans l’entreprise pour la part de présentiel restant disponible, et sous d’autres formes à inventer lorsque le télétravail structure fortement et durablement le temps.